Retenez bien ce nom : Hideki Kamiya. Il est certainement devenu aujourd’hui la plus grande figure du genre. Mais le premier projet dirigé par Kamiya fut Resident Evil 2, une épreuve pour celui qui a maintes fois déclaré qu’il n’aimait pas les survival-horror. Il va d’ailleurs remplir son titre de beaucoup plus de monstres que le 1er opus, ce qui d’un côté va permettre à la série d’élargir son public, et de l’autre lui valoir les remontrances de nombreux puristes de l’œuvre de Shinji Mikami. Malheureusement pour Kamiya, Capcom veut faire du Resident Evil, et le voilà en train de diriger le projet d’une suite à Resident Evil 3. Qu’à cela ne tienne, Kamiya s’amuse avec le gameplay de son personnage principal, Dante, et il fut rapidement décidé que le jeu aurait plus de potentiel en tant que beat’em up décomplexé qu’en tant que survival horror. Alien vs. Predator remplaça au train levé Resident Evil comme nouvelle source d’inspiration.
Si les contres sont au centre du gameplay d’Onimusha, les combos sont au centre de celui de Devil May Cry. Il faut dire que le jeu s'est plus éloigné de ses origines qu’Onimusha. Le personnage de Dante se déplace dans son univers de façon logique (par rapport à la caméra). Habile et rapide, il saute aussi bien qu’un Crash Bandicoot, mais surtout il enchaine ses adversaires comme… comme jamais personne dans un jeu de ce genre avant lui (à l'exception peut être de Linn Kurosawa, et c’est circonstanciel). Le jeu ne propose qu’un seul personnage mais plusieurs armes (surtout 2), chacune dotée de peu de combos, mais pas mal d’attaques spéciales (uppercuts et autres coups plongeants) peuvent librement canceller n’importe lequel d’entre eux, comme à la grande époque des beat’em up 2D. Il a aussi accès à des armes à feu qui peuvent participer à ses nombreux juggle combos, en l’air comme au sol. Le jeu offre une palette de possibilités assez jouissives. Et pour pousser les joueurs à en tirer parti, un système de notation punit les répétitions d’une même attaque / d’un même enchainement.
Mais si avoir de la variété dans ses enchainements est une bonne chose, ce n’est pas seulement ça qui a porté le gameplay de Devil May Cry en si forte estime auprès de ses fans. Les adversaires que l’on affronte dans ce jeu sont eux aussi des plus agiles et des plus féroces. On se livre à un vrai balai d’esquives et de ripostes contre des ombres chats ou des lézards nous harcelant en permanence, évitant nos attaques, répliquant à toutes les distances… Ennemis et boss sont variés et challengent le joueur intelligemment. La nervosité du jeu, la précision des commandes, la richesse de la movelist de Dante font de cette sortie un OVNI. Bien plus poussé et abouti qu’Onimusha (même si ce dernier n’a pas de système de contre), il bénéficie, en plus, d’une plus grande rejouabilité. À mesure qu’on progresse dans les niveaux de difficulté, on s’aperçoit avec grand plaisir que la disposition des ennemis change et que ceux-ci peuvent accéder à un état démoniaque qui les rend encore plus hargneux. Plus le joueur progresse, plus il s’amuse.
Si la paternité de Resident Evil n’a pas laissé de grosses empreintes, certaines vont jouer en sa faveur et d’autres en sa défaveur auprès du public, selon les attentes de chacun. Ainsi, encore aujourd’hui, le premier Devil May Cry est le préféré d’un certain nombre pour une raison précise : son ambiance. Plus sérieuse que celle de ses suites, on ne quitte jamais le lieu principal (bien entendu, un immense manoir) qui va se découvrir à nous très progressivement à mesure que l’on actionne des mécanismes et récupère des clés.
Le level design est travaillé et plutôt réussi. Il nous tient par la main sans qu’on s’en aperçoive, le long de niveaux linéaires qui s’entrecroisent, et si on revient souvent dans des lieux déjà visités, c’est toujours avec la satisfaction de savoir qu’on va pouvoir enfin accéder à cette fameuse porte scellée. Malgré tout, le rythme du jeu n’est jamais cassé. Ses successeurs ne parviendront pas à remettre aussi bien le doigt sur cet équilibre. Un commentaire qui s’applique aussi à la série concurrente des Ninja Gaiden soit dit en passant, le premier se détachant beaucoup de ses deux suites pour cette raison.
En revanche, si à l’époque il était encore accepté de se battre contre des adversaires hors champ parce que la caméra zoomait plein pot sur notre belle gueule (ça rend les combats plus cinématiques, qu’on disait), celui qui redécouvrirait le jeu aujourd’hui pourrait s’en agacer. Mais son principal défaut est de n’avoir été qu’un pionnier sur lequel ses fils ont lourdement renchéri. Face au succès du premier opus, Capcom a vite enclenché la machine à suites mais ça, nous allons le voir plus tard, dans une autre page de ce dossier.