Il faut savoir que si Jones et Seropian avaient choisi de développer des jeux Mac, ce n'est pas uniquement parce que la plate-forme leur plaisait. De l'aveu même de Jones, c'est aussi et surtout parce que la concurrence y était beaucoup moins rude.
C'était l'âge d'or du jeu PC, avec des titres comme Wing Commander et tous ces trucs. Le marché du PC était vraiment engorgé, alors que le marché Mac… c'était très chaleureux, mais plutôt foireux. James Jones
Et c'est probablement cette décision en particulier qui fera que Bungie restera longuement dans l'ombre, et ne sera connu du grand public qu'avec la sortie de Halo : Combat Evolved, des années plus tard. Par cette décision, le petit studio de Chicago s'était lui-même voué à un certain anonymat, alors qu'il avait prouvé qu'il était capable de produire des jeux de qualité. Et c'est avec la sortie de leur prochain titre que de nombreux joueurs en auront la confirmation : Bungie fait partie des grands. Marathon, sorti en 1994, devient pour beaucoup le Doom du gaming façon Mac. C'est un FPS labyrinthique, opposant un soldat en armure verte à des envahisseurs extra-terrestres. Réfugiée à bord d'un gigantesque vaisseau-colonie, l'UESC Marathon, ce qui reste de l'humanité cherche un foyer, et finit immanquablement par tomber sur une autre espèce vivante, plutôt hostile, les Pfhor. C'est une sombre histoire de lutte pour vivre et survivre, d'IA qui trahissent leurs maîtres et donc de science-fiction.
Le petit groupe a désormais envie de raconter des histoires et ils le font dans Marathon. Maladroitement. C'est surtout via les nombreux terminaux que l'on peut trouver ici et là dans le jeu que l'on peut en apprendre un peu plus sur l'univers de Marathon, et son scénario. Un mot presque vulgaire à l'époque pour un FPS, alors que des titres comme Doom se concentrent principalement sur l'action. L'action, l'action, l'action, il faut toujours plus de monstres, toujours plus de gros flingues, toujours plus d'énergie. Marathon n'en manque pas mais s'attache lui à raconter une histoire.
Si peu de joueurs le savent, Marathon est un véritable jalon dans l'histoire du FPS : il est le tout premier titre du genre à permettre de regarder (et donc de tirer) en haut et en bas avec sa souris, et également sur les côtés. Une véritable avancée pour le monde du FPS, dont la paternité est hélas méconnue.
Avec Minautor, Bungie s'était déjà fabriqué une petite fanbase, et elle va gonfler et gonfler avec Marathon. Il faut dire que ce nouveau shooter propose à nouveau une composante multijoueur très forte. En local ou via internet, il permet donc à des joueurs de s'affronter sur une dizaine de maps ; les parties, entièrement configurables, repose sur un gameplay particulièrement exigent, ce qui se reflète jusque dans l'écran des scores en fin de partie : par défaut, le jeu classe les joueurs en suivant le calcul «frag - décès ». Mais c'est surtout le code du jeu qui impressionne, et notamment en multijoueur. On joue à une époque sans ligne à haut débit, et faire en sorte que les joueurs s'affrontent sans lag relève de la magie... Et pourtant, Marathon y parvient.
Un immense succès... cantonné au micro-monde Mac
Quoi qu'il en soit le résultat est là et Marathon devient vite un immense succès, tant critique que commercial. Toutes proportions gardées, bien entendu, puisque là encore le jeu est une exclusivité Apple. Mais le plus intéressant est de voir ce qui compose Marathon. D'abord, c'est un FPS. J'enfonce une porte ouverte ici, mais c'est important à noter puisque jusque là, Bungie n'avait pas vraiment de style de prédilection. Ensuite, il s'agit de mettre en scène des humains en prise avec une redoutable race extra-terrestre, à une ère où la race humaine est capable de voyager dans l'espace. Et surtout, il y a ce combattant, caché sous une lourde armure que l'on devine vaguement humain, et qui travaille de concert avec une intelligence artificielle. Cela vous dit quelque chose ? Oui, effectivement, cela rappelle les grandes lignes de Halo. D'ailleurs aujourd'hui encore, la plupart des fans de Bungie estiment que Halo est la suite spirituelle de Marathon. Difficile de penser le contraire quand on compare les héros des deux jeux. Même chose lorsque l'on compare la patte graphique des deux séries, notamment lorsqu'il s'agit des couleurs utilisées ou du chara-design de certaines créatures ennemies. Beaucoup de couleurs et surtout un ton presque cartoon par moments (visuel dans Marathon, dans le comportement des Grunts dans Halo).
Extrêmement bien accueilli par les joueurs, Marathon a donné lieu à deux suites : Marathon 2 Durandal et Marathon Infinity, sortis respectivement en 1995 et 1996. Trois jeux en trois ans ! Les développeurs ne manquent pas d'idées et les titres s'enrichissent de nouvelles possibilités. Basé sur un nouveau moteur de jeu, Durandal surprendra les joueurs en offrant des sensations de tir bien différentes du premier opus mais aussi des niveaux tout en extérieur et plus ouverts que par le passé. Un préambule à ce que sera quelques années plus tard Halo...