Nous sous-estimions la qualité [de Demon’s Souls], et pour être honnête les médias japonais en faisaient autant. Pour ma part, alors que nous approchions de la fin du développement, j'ai passé deux heures à y jouer et à l’issue de cet essai, je me trouvais toujours bêtement au début du jeu. Ce jeu est nul, ai-je dit, il est incroyablement mauvais. Alors je l'ai fait mettre de côté. Par chance, des éditeurs tiers [...] se sont proposés et le jeu devint un énorme succès hors du Japon.

Shuhei Yoshida dans une interview traduite pour Game Informer

Quand on passe beaucoup de temps à jouer à des jeux vidéo, on est forcé de se rendre compte que seule une petite partie de la production nippone s'est de tout temps exportée. Si les dernières années ont vu de nettes améliorations en ce domaine, on ne peut que constater que cet état de fait touche toujours particulièrement les RPG. La raison en est multiple : en plus des contraintes commerciales, ou des divergences de goûts entre cultures, les éditeurs originaux hésitent parfois à croire aux chances de leurs propres jeux à l'étranger. Il est de notoriété publique (et confirmé par l’intéressé) que le président de Sony Worldwide Studios Shuhei Yoshida, après avoir testé Demon's Souls, trouva le jeu si mauvais qu'il le mit au rancart. Un visionnaire donc, puisque si Atlus (pour les Etats-Unis) et Namco Bandai (pour l'Europe) n'avaient pas eu le nez creux, ce joyau ne serait probablement jamais sorti du Japon, et n'aurait pas engendré ses suites spirituelles au succès retentissant. Et c'est ce qui risque d'arriver à virtuellement tous les jeux qui sortent de la norme, avec parmi eux nombre de perles qui risquent donc de ne jamais toucher nos côtes.

Les gros éditeurs ou leurs filiales prennent parfois ce risque (on saluera ici la localisation de Xenoblade Chronicles par Nintendo Europe, qui n'était pas gagnée) après l'aval d'études de marché, mais toute une frange d'éditeurs à l'arsenal commercial plus modeste n'en sont simplement pas capables. Et c'est là que Xseed intervient. Quand la logique commerciale voudrait que l'on privilégie des produits pour une audience la plus large possible, lui choisit sciemment le contraire. En se spécialisant dans les oubliés des grosses boîtes, dans ces jeux que l'on nomme communément "de niche", il jouit d'une énorme réputation auprès des sans-grade.

Voyez plutôt son palmarès dans ce petit tableau retraçant tous les jeux localisés par Xseed depuis sa création jusqu’à fin 2014.

Xseed, c'est donc une petite cinquantaine de RPG ou affiliés, dont une grande partie se retrouve jouable en France, soit par la localisation directe de Xseed ou d'éditeurs tiers, soit par l'absence de zonage de la plate-forme concernée (dans le cas des versions PSP, PS3 et PC Steam). Il est d'ailleurs amusant de noter la forte prépondérance de l'éditeur Rising Star Games en Europe... qui publiait fut un temps les jeux Xseed sur le vieux continent comme cela fut confirmé par Ken Berry. Cette relation est toutefois moins présente ces dernières années, suite à la tambouille pas toujours simple à suivre entre compagnies qui s'achètent et se rachètent les unes les autres.

Ce récapitulatif est aussi l'occasion de remarquer la forte présence de jeux provenant de développeurs peu médiatiques. Parmi ceux-ci, Nihon Falcom figure en bonne place avec une dizaine de jeux disponibles ou à venir, sans compter les portages. Particulièrement apprécié par l'éditeur américain, il s'est tissé au fil du temps une relation solide avec le troisième plus gros développeur de RPG japonais des années 80, qui n'aura malheureusement pas connu le même succès planétaire que Square et Enix. Cette bonne entente fait que Xseed est aujourd'hui l'éditeur attitré des séries Legend of Heroes (Eiyû Densetsu) et Ys, et de quelques autres. The Legend of Heroes : Trails in the Sky, affectueusement surnommé TitS et titulaire d'un très grand succès d'estime, fait d'ailleurs souvent office de porte-étendard des valeurs d'Xseed. Les séries Wild Arms et Valhalla Knights eurent également les honneurs d'une reprise en main, tout comme des titres typiquement japonais (les récents Senran Kagura et Akiba's Trip, ou les très calmes Story of Seasons et Rune Factory 4). Quel autre éditeur aurait pu s'attaquer à la diffusion de Half-Minute Hero ? Plus médiatisé, quand l’Opération Rainfall, qui demandait la localisation du triptyque d’action-RPG sur une Wii en bout de course, fut couronné de succès, deux de ces demandes - à savoir Pandora's Tower et The Last Story - furent accomplies par Xseed. La troisième, Xenoblade Chronicles, intéressa finalement Nintendo avec le succès qu'on connaît.

Toujours est-il que les joueurs de tout continent doivent une fière chandelle à Xseed. Et celui-ci le leur rend bien.