Un an après avoir publié A Tear of Vermillion, Namco Bandai gratifiait l’Occident d’une traduction pour le second épisode de la longue série The Legend of Heroes. Prophecy of the Moonlight Witch, remake PSP du jeu PC du même nom sorti au Japon en 1994, est donc le deuxième volet à quitter l’archipel nippon. Mais fera-t-il mieux que son prédécesseur ? Pas forcément.
Des petits problèmes de numérotation
Les Américains sont des habitués des renumérotations hasardeuses. Ainsi, si Prophecy of the Moonlight Witch est le troisième épisode de la série et le premier de la trilogie dite "Gagharv", il est sorti sous le numéro II aux Etats-Unis, après A Tear of Vermillion, quant à lui quatrième épisode de la série et second de la trilogie mais qui, chronologiquement, se déroule... avant. Pas simple pour qui cherche à s’y retrouver dans l’ordre de parution. Mais pas forcément embêtant non plus quand on y joue. Les jeux ont beau être liés, ils sont indépendants et peuvent être faits dans n’importe quel ordre. Inutile, dès lors, de se demander par quel épisode commencer.
Deux pèlerins sur les routes
Tirasweel est un continent divisé en huit royaumes et isolé du reste du monde, au sud, par la chaîne de montagne infranchissable dite de l’échine du Grand Serpent, à l’ouest par l’immense faille de Gagharv. Notre histoire commence dans le petit village de Ragpick, dans le royaume de Pholthia. Deux adolescents, Jurio et Chris, s’apprêtent à quitter leurs familles et amis pour entamer le rite de passage à l’âge adulte : un pèlerinage à travers le monde connu pour visiter cinq autels et y prier, équipés d’une dague d’argent, symbole de leur "mission". Rapidement, nos deux héros se rendent compte qu’ils suivent les pas et les prophéties laissés vingt ans auparavant par la dernière sorcière à avoir foulé ces terres, Gueld, surnommée la Sorcière du Clair de Lune – prophéties qui annoncent un avenir bien sombre, auquel Jurio et Chris se trouvent mêlés bien malgré eux. Voilà pour l’histoire, divisée en huit chapitres, qui a pour elle de ne pas verser dans le manichéisme bien / mal habituel de ce genre de productions. Les véritables enjeux se dévoilent au fur et à mesure, avec une certaine lenteur même.
Les dialogues, extrêmement nombreux, au point qu’on se rapproche parfois d’un visual novel, ont en effet tendance à casser le rythme de l’aventure. On aime ou pas. Par ailleurs, si l’on n’échappe pas à un certain nombre de clichés, comme le jeune héros enthousiaste et sa partenaire soupe au lait qui ont le chic pour toujours se trouver "au bon endroit au bon moment", ni aux facilités et raccourcis de scénario, il faut cependant avouer que l’histoire se laisse suivre avec plaisir. Elle ne révolutionne certes pas le genre, mais comporte suffisamment d’humour et de péripéties pour tenir les joueurs éveillés durant la bonne trentaine d’heures du titre. Comme souvent dans les J-RPG classiques, le voyage de départ, ouvertement présenté comme initiatique, se transforme peu à peu en quête beaucoup plus vaste dans laquelle se retrouvent impliqués malgré eux nos deux héros. Jurio et Chris vont voir du pays, huit en fait, rencontrer tout un tas de personnages, allant du très dispensable au charismatique, mais tous très sympathiques, qui se grefferont momentanément à l’équipe. L’avantage, c’est que le groupe est varié. L’inconvénient, c'est que sa composition change en permanence sans qu’on ait le temps de s’attacher aux partenaires de passage, ni la liberté de les choisir. C’est passablement frustrant, et l’on se retrouve, à la toute fin, avec deux personnages rencontrés peu avant que l’on connaît à peine. Un choix un peu étrange, mais habituel de la série.
Du classicisme du gameplay
Côté gameplay, peu de différences à relever par rapport à A Tear of Vermillion. Les combats se font toujours au tour par tour, chacun agit en fonction de ses statistiques de vitesse, avec des actions basiques : attaque, magie, défense, fuite, objets, outre des capacités propres à chaque personnage, ainsi que les attaques spéciales, utilisables une fois la barre d’énergie adéquate remplie en donnant des coups ou en utilisant la magie. Un grand classique du genre. Vos personnages ne sont pas statiques cependant, puisque vous pouvez bouger sur l’écran et la position des membres de l’équipe et des ennemis sur le terrain joue sur vos possibilités d’attaque ou de soin. Cependant, vous ne pouvez pas choisir votre emplacement, cela se fait automatiquement en fonction des commandes utilisées. La dimension tactique est donc très relative. En plus, ces combats sont assez mous, ce qui ne les rend pas très attrayants. La tentation de les éviter est d’autant plus grande que les ennemis sont visibles à l’écran et ne vous attaqueront que s’ils ont un niveau supérieur au vôtre. Et encore sont-ils aisés à éviter une fois le combat engagé. Heureusement, vous pouvez accélérer la vitesse de déplacement des alliés et ennemis grâce aux boutons R et L, nouveauté bienvenue de cet opus. Autre problème, la faible difficulté de ces affrontements : à l’exception de deux ou trois boss, dont celui de fin, le challenge est quasiment inexistant. Ce qui est passablement frustrant.
Pour le reste, pas grand-chose à signaler, si ce n’est que votre bestiole de compagnie dispose d’un catalogue d’attaques et de techniques de défense plus varié, dépendant de la nourriture que vous lui donnez. Amusant, mais pas forcément utile, son principal rôle reste de vous apporter des objets en cours d’exploration, au point de rendre superflue la fréquentation des boutiques d’objets. De même, votre statut de pèlerin vous permet de dormir gratuitement partout et donc d’économiser les frais d’auberge. C’est toujours ça de plus à mettre dans vos armes et protections... ou dans votre poche si vous êtes radin. Pour le reste, rien de nouveau sous le soleil, on est dans l’exploration balisée classique… et facile. Tout est prémâché : les personnages faisant avancer l’intrigue sont toujours signalés par un point d’exclamation rouge, il y a peu de coffres à découvrir, aucune véritable énigme et une seule malheureuse quête annexe vous est proposée. Pas vraiment de challenge dans ce titre, son intérêt venant du suivi de son histoire.
Une réalisation plutôt agréable
Graphiquement, Prophecy of the Moonlight Witch est assez joli. Certes, il s’agit du portage d’un jeu PC plus ancien, et la réalisation est loin d’atteindre les sommets, mais ses décors en 3D sont particulièrement fins et détaillés, surtout dans les villes, fourmillant de petits éléments qui les rendent vivantes. Les extérieurs, bien qu’un poil répétitifs, bénéficient d’effets de lumière et de météo très réussis, voire très beaux. Le jeu dispose également de plusieurs cinématiques, notamment lorsque nos deux larrons regardent dans les miroirs sacrés des temples. Bien que loin du niveau d’une production Square Enix, par exemple, ces scènes sont assez poétiques et s’intègrent bien à la réalisation. Les personnages, en 2D, sont bien animés et plutôt mignons. Leurs animations de combats, bien qu'assez sommaires, se révèlent fluides, tandis que les sorts propagent des effets réussis. Hélas, l’affrontement contre le boss de fin souffre par contre d’une impressionnante chute de framerate à cause d’animations trop lourdes. Mais c’est le seul problème de ce type relevé durant tout le jeu. Le character design est assez agréable à l’œil, bien qu’un peu moins soigné, détaillé et beau que celui de A Tear of Vermillion. Il y a quand même quelques réussites, comme l’épéiste Lodi (qu’on regrette de ne pas pouvoir garder dans son équipe). Les portraits des protagonistes s’affichent durant les phases de dialogues et changent en fonction de l’humeur ou des émotions de celui qui s’exprime, ce qui est indispensable dans un jeu disposant de dialogues aussi nombreux.
La quantité de texte est tout aussi impressionnante que dans l’épisode précédent – ou suivant, selon la chronologie que vous souhaitez retenir. Il est donc recommandé d’avoir un bon niveau d’anglais avant de se lancer dans l’aventure, sous peine de passer complètement à côté de son intérêt principal. A ce titre, on notera que les traducteurs ont fait quelques progrès, malgré d’inévitables coquilles dans la masse et quelques petits problèmes de mise en page. Néanmoins, comme pour l’épisode précédent, des soucis de ton et de niveau de langage dans les dialogues posent toujours problème. Aucune différence de ton, de vocabulaire, de débit, par exemple, entre Jurio, adolescent fraîchement débarqué de sa campagne, et Alfred, roi de l’un des pays les plus puissants du continent. C’est dommage, car cela aurait permis d’appuyer un peu plus la personnalité des différents interlocuteurs. Enfin, le soft bénéficie de musiques plutôt réussies, bien que classiques et pas forcément marquantes. Là encore, Prophecy of the Moonlight Witch se révèle agréable, mais sans plus. A l’image de tout le jeu.
Points forts
- Un monde et une histoire sympathiques
- Une réalisation agréable
- Un duo de héros attachant
- Une bonne durée de vie
- Délicieusement old-school…
Points faibles
- Un trop grand classicisme doublé d’un manque de rythme
- Des combats toujours aussi mollassons
- Une traduction perfectible
- L’absence de quêtes annexes
- … voire excessivement old-school
- La trop grande linéarité
- Trop facile
Tout aussi sympathique que A Tear of Vermillion, Prophecy of the Moonlight Witch souffre des mêmes défauts, à savoir un trop grand classicisme, tant d’un point de vue narratif que de gameplay, sans compter son côté extrêmement bavard et sa trop grande facilité. Il bénéficie cependant d’une histoire un peu plus originale et de quelques éléments de gameplay supplémentaires pas désagréables, bien qu’anecdotiques (animal de compagnie plus polyvalent, accélération des combats, gratuité liée au statut de pèlerin). Joliment réalisé, doté d’une bonne durée de vie, le jeu ne risque néanmoins pas de révolutionner le genre et ne plaira qu’aux amateurs de J-RPG old-school. Et à eux seuls, probablement.