Contrairement aux Geo Political Simulator (Mission President et Rulers of Nations), deux titres intéressants sabordés par une finition douteuse, Elections 2012 n'est pas une simulation politique à proprement parler tant le propos, recentré sur la campagne présidentielle, y est moins ambitieux, et le gameplay moins consistant. Ce nouveau jeu d'Eversim vous propose d'incarner un candidat à la Présidence de la Répblique dont le rôle est de parcourir la France (voire le Monde) en multipliant les promesses et en vérifiant leur effet sur sa cote de popularité dans les sondages. En dehors de votre budget de campagne, vous n'avez pas grand-chose à gérer, puisque vous ne vous trouvez pas encore sur le fameux fauteuil et que vos moyens d'action sont limités. Du coup, il y a fort à parier que les inconditionnels des Geo Political Simulator (il y en a, on le sait) ne manifesteront pas beaucoup d'intérêt pour ce titre bien plus grand public qui s'apparente davantage, dans son déroulement, à un jeu de société. Mais les autres, ceux qui ont envie de vivre de l'intérieur une campagne présidentielle et de saisir ses enjeux politiques sans trop se prendre la tête, y trouveront-ils leur bonheur ?

Ce qu'ils apprécieront en tout cas d'emblée, c'est le paramétrage généreux qui leur est proposé à chaque lancement d'une nouvelle partie. Elections 2012 offre d'abord la possibilité de choisir l'un des six candidats majeurs à l'élection présidentielle (Guillaume Kotmazy, Laurent Norvège, Daniel Bartou, Martine Le Gueven, Elsa Logy et Jean-Paul Debuchon), ou bien d'opter pour le dirigeant d'un parti plus confidentiel, ou encore de créer son propre candidat de A à Z (sexe, nom, portrait, tendance politique, slogan du parti...). Mais le titre d'Eversim vous propose surtout de personnaliser à votre convenance l'ensemble des paramètres qui vont régir votre expérience : la durée de la partie (il est possible de se lancer dans une campagne longue ou courte), le niveau de difficulté, mais aussi le mode de jeu. Ce dernier peut être réaliste, avec budgets et pourcentages d'intentions de vote conformes à chaque tendance politique, ou bien égalitaire afin de laisser leur chance aux plus petits partis. Vous pouvez également vous soumettre à une contrainte supplémentaire : les critères UE, qui vous imposent de ramener le déficit budgétaire en-dessous de 3% du PIB et vous incitent donc à ne pas multiplier les promesses trop coûteuses pour les finances de l'Etat.

Une fois la partie lancée, ne vous attendez pas à un rendu visuel aussi accueillant que les velours de l'Elysée. A l'image des précédentes productions d'Eversim, les graphismes sont assez sommaires. Un effort a tout de même été accordé à la modélisation des six principaux candidats ; il valait mieux vu qu'ils multiplient les apparitions TV en gros plan. Pour ne rien gâcher, les doublages sont plutôt convaincants. Ils ont été confiés, pour ce qui concerne les voix masculines, à Marc Engammare, un humoriste peu médiatisé mais néanmoins talentueux, dont certaines imitations n'ont rien à envier à ce que l'on peut entendre à la radio ou à la télévision. Et qu'importe que certains personnages soient moins bien croqués que d'autres : l'effort est appréciable, Elections 2012 proposant tout de même plus de 8 heures de doublages. Les interventions de chaque candidat sont crédibles, car si le jeu est parfois empreint d'une certaine ironie et d'un certain cynisme, le ton reste sérieux et ne verse jamais dans la satire décalée. Pour être complet sur la réalisation, signalons que si l'interface n'est pas très raffinée, elle a le mérite de se montrer plus pratique que celle d'un Geo Political Simulator. Bon, il faut avouer que c'est aussi parce que les options de jeu y sont bien moins nombreuses.

Le gameplay n'est, de fait, pas très élaboré. Représenté par un pion, votre candidat évolue sur une carte de France où se déplacent également les autres prétendants. Il s'agit de partir à la rencontre des Français, que ce soit dans le cadre d'un meeting, d'une discussion avec les ouvriers d'une entreprise, d'une manifestation ou de tout autre événement. C'est vous qui choisissez le lieu où vous intervenez (privilégiez les régions qu'il vous faut conquérir), dans la limite d'un déplacement par jour et en gardant un oeil sur le budget de campagne. A chaque fois, vous prononcez un discours en effectuant une promesse sur un thème imposé. Les meetings sont moins contraignants, car vous pouvez y tenir deux promesses sur les sujets que vous avez envie d'aborder ; elles seront plus efficaces si elles sont chiffrées. Quant aux interventions télévisées, elles représentent une tribune de choix. L'objectif est de devancer vos adversaires politiques en prenant avant eux les engagements les plus populaires, tout en tentant de composer avec les critères UE si vous jouez avec, ainsi qu'avec les idées de votre parti si vous ne voulez pas vous faire sucrer le budget de campagne. A ce sujet, il est regrettable que vous ne bénéficiiez d'aucun conseiller, ne serait-ce que pour éviter d'oublier la date de vos meetings.

Quel que soit l'engagement pris, vous en voyez aussitôt l'effet sur les intentions de vote. Et c'est là que le bât blesse : vous aurez bien du mal à saisir le lien logique entre vos promesses et votre cote de popularité. L'auteur de ces lignes a eu beaucoup de mal à endiguer la chute de son candidat en prêchant des mesures populaires et responsables. A contrario, il s'est retrouvé à grimper dans les sondages en prônant, avec la candidate d'extrême-droite, l'aide financière aux pays d'Afrique pour lutter contre l'immigration, ou encore à échouer sur le fil au second tour, alors que son rival venait de gagner 4 % en félicitant le président britannique pour l'organisation des J.O. ! A côté de cette logique parfois difficile à saisir, vous disposez heureusement de quelques options qui vous fournissent une légère "prise" pour conforter votre popularité. Vous pouvez ainsi obtenir le soutien de célébrités (intellectuels, artistes, sportifs ou chefs d'état étrangers) ou encore vous en remettre à des procédés moins avouables : saboter le meeting d'un candidat ou pourrir sa réputation en lançant des rumeurs sur le Net, voilà qui peut s'avérer utile, sachant que vos adversaires ont aussi recours à ces exactions, et qu'il faudra vous en protéger. Leur effet reste toutefois trop anecdotique.

Elections 2012 s'avère vite répétitif. Même si les événements proposés sont variés et crédibles (le jeu est régulièrement mis à jour pour coller avec l'actualité) et même si la quantité de promesses potentielles est astronomique, le gameplay se résume un peu trop à répéter la boucle suivante : je sélectionne ma destination, je choisis mon engagement et j'en mesure l'effet sur les sondages. En dehors du débat télévisé avec votre rival, il n'évolue pas à la faveur de la campagne pour le second tour, complètement négligée par l'équipe d'Eversim : les candidats éliminés s'évanouissent dans la nature, les ralliements, les négociations et les consignes pour le report des voix passant à la trappe (les deux candidats démarrent à 50 % d'intentions de vote). Voilà une lacune impardonnable pour un jeu qui se veut une simulation fidèle de la Présidentielle. Autre souci : alors que, comme chacun le sait, les sondages sont interdits la semaine précédant le scrutin, ce n'est pas le cas ici, ce qui annihile tout effet de surprise et, il faut bien le dire, une partie du charme de l'élection. L'expérience ludique est donc peu concluante, et si on apprécie l'intégration de liens Wikipedia amorçant une dimension pédagogique, on déchante quand on se rend compte que le moindre retour bureau fait bugger le jeu, pas vraiment très stable.