Ces derniers mois, de nombreux développeurs ont tenté d'offrir un visage au STR sur consoles, avant de venir proposer le fruit de leurs efforts aux PCistes. Difficile par exemple de justifier l'existence d'un Tom Clancy's EndWar développé spécifiquement pour des consoleux sur PC, machine reine pour ce qui est des jeux de stratégie. Stormrise, même porté par une développeur aussi aguerri que The Creative Assembly, aura peut-être plus de mal encore à se défaire de ses origines tant il va loin dans l'adaptation des contrôles pour des manettes. Et quand en plus, le jeu ne se destine qu'aux utilisateurs de Windows Vista, on se dit que l'affaire est tout de même bien mal engagée.
Si Stormrise n'est certainement pas un jeu comme les autres, ce n'est pas son scénario qui risque de nous faire grimper aux rideaux. Le soft dépeint un univers où la Terre est sortie dévastée d'une expérience de contrôle du climat ayant mal tourné. Alors qu'une partie de l'humanité a pu se réfugier dans des bunkers high-tech jusqu'à ce que les forces de la Nature cessent de se déchaîner sur le monde, la majeure partie de la population n'a pu que subir les éléments. Beaucoup sont morts, mais d'autres, au fil du temps, ont réussi à s'adapter à leur nouvel environnement, développant des capacités étonnantes et mutant pour survivre, au point de donner naissance à une nouvelle espèce : les Sai. Bien des années après la catastrophe initiale, l'Echelon (la force de sécurité des humains « purs ») et les Sai se retrouvent face à face et s'affrontent dans les restes d'un monde ravagé. D'une banale histoire de haine, de vengeance et de jalousie, l'unique campagne du jeu tentera maladroitement de développer un récit écologiste plutôt naïf. Mais au final, la campagne de l'Echelon ne fait office que de gros tutorial destiné à vous préparer aux affrontements multijoueurs sur les dix cartes du jeu. L'histoire a donc toutes les chances de passer au second plan pour la plupart des joueurs.
Comme nous l'évoquions en introduction, Stormrise vient tout droit des forges de The Creative Assembly, un studio particulièrement expérimenté puisqu'on lui doit notamment la série des Total War. Spécialistes en STR, les développeurs se sont donc attelés avec conviction à ce titre spécifiquement destiné aux consoles et ont fini par accoucher d'un produit certes novateur (encore que cela moins évident sur PC) mais qui risque d'être un véritable repoussoir pour les joueurs habitués au confort lorsqu'il est question de stratégie. Pour commencer notre analyse, disons que Stormrise se démarque de ses concurrents sur deux points précis : un système de contrôle unique d'une part et le concept de verticalité d'autre part. Ce dernier point fait référence à l'idée que les combats ne se déroulent pas sur un seul et même plan comme dans la plupart des jeux du genre, mais reposent en grande partie sur la nécessité de prendre de la hauteur, de surplomber l'ennemi, voire de le contourner en passant sous la map grâce à des tunnels. Il faut en effet envoyer ses troupes en hauteur, sur des bâtiments, afin de prendre l'avantage. Mais il faut aussi faire avec des sous-sols, des galeries et des cavernes, parfaits pour monter une attaque surprise dans le dos de l'ennemi. Chaque carte du jeu doit donc être envisagée comme un mille-feuilles. Rester au niveau du sol sans jamais se préoccuper des buildings ou des tunnels qui courent sous la surface, c'est donc se condamner à subir la partie, si l'ennemi se montre plus entreprenant que vous bien entendu.
De cette architecture tarabiscotée découle une nécessité absolue : celle de faciliter le commandement d'unités éparpillées dans tous les coins du champ de bataille. C'est là qu'intervient la deuxième idée directrice de Stormrise : le Whip Control, présenté à grands coups de vidéos pêchues et toujours accolé aux termes « révolutionnaire » et « consoles ». En fait, dans Stormrise, la caméra est placée à la troisième personne et reste centrée sur l'unité sélectionnée, à l'instar d'EndWar. En gros, vous ne voyez que ce que votre unité est en mesure d'observer. La souris permet de regarder alentour tandis qu'à l'écran s'affichent toutes les icônes désignant les autres unités ou groupes présents sur le terrain. Maintenir le bouton droit de la souris enfoncé permet de générer un axe de sélection des unités, que vous ferez alors osciller à l'écran en déplaçant le mulot. En effet, orienter cet axe dans la direction de l'un de ces symboles le met en surbrillance et une fois le stick relâché, la caméra file comme le vent vers l'unité ainsi sélectionnée. C'est cela, le Whip Control. Dans les faits, ce système fonctionne à peu près correctement lorsque vous n'avez pas trop d'unités et qu'elles ne sont pas agglutinées au même endroit, mais c'est une autre paire de manches quand vous commencez à gonfler vos rangs. Là, le fameux Whip Control a tout de suite plus de mal à suivre. Et puis bon, faut reconnaître que sur PC, ça reste quand même super alambiqué pour pas grand-chose.
Beaucoup d'unités sous votre commandement, c'est autant d'icônes à l'écran et il devient alors difficile de naviguer efficacement entre vos différentes escouades. Ce que la trouvaille de Creative Assembly nous faisait gagner en fluidité sur consoles grâce à l'utilisation d'un stick, elle nous le fait perdre en précision et en rapidité sur PC. Au fond, l'existence même du Whip Control devient difficile à tolérer. Régulièrement, on se prend donc à sélectionner la mauvaise unité, ou même à devoir naviguer entre plusieurs escouades successivement avant de trouver la bonne. Bref, contrôler vos troupes dans Stormrise se révèle souvent frustrant, même si l'on disposera de la possibilité de constituer des groupes et donc de limiter la casse. Hélas, un autre problème vient encore compliquer la donne : la difficulté de positionner correctement nos troupes, du fait d'un pathfinding (la faculté des unités à trouver leur chemin toutes seules) et d'une IA lacunaires. On se retrouve très souvent avec des unités qui se coincent dans des murs et on est donc constamment forcé d'assister chaque escouade sur la totalité de son déplacement. Autre surprise : lorsque vous donnez un ordre de déplacement à vos troupes, ces dernières obéissent aveuglément au point de se laisser étriper si elles croisent un ennemi en chemin. Même postées sur des positions clés, vos ouailles laissent souvent passer les forces ennemies à proximité, sans réagir pour autant. Charmant. Pour un jeu qui repose sur la faculté du joueur à se rendre maître du terrain, autant dire que tous ces problèmes deviennent vite problématiques.
Dommage car fondamentalement, Stormrise repose sur un système efficace basé sur le contrôle de points d'énergie qui n'est pas sans rappeler le premier Dawn of War. Une fois capturés, ceux-ci vous permettront de collecter des ressources. En procédant à quelques améliorations, vous pourrez même en booster le rendement, en faire des tourelles défensives et des systèmes de téléportation de nouvelles unités sur le champ de bataille (ce rôle étant initialement dévolu à une dalle de départ). Il vous faut également savoir que les points de contrôle fonctionnent comme une chaîne. Imaginons que vous êtes maître de six de ces points disposés à la suite sur la carte : le A, le B, le C et le D. L'ennemi pourra tenter de vous les reprendre dans l'ordre logique, donc en commençant par le D. Mais, si vous avez réussi grâce à vos victoires successives à monter une armée impressionnante que vous poussez toujours vers l'avant afin de défendre vos avant-postes, n'allez pas croire que la victoire vous soit acquise. En effet, si votre adversaire fait preuve d'un peu d'astuce et parvient à s'emparer du point B, la chaîne qui alimente A sera brisée et vos ressources feront le plongeon car, une fois déconnectés, C et D ne vous serviront plus à rien. En choisissant ce modèle, les développeurs ont voulu éviter que l'un ou l'autre des deux camps prenne le dessus de manière trop rapide et que la lutte reste disputée le plus longtemps possible. Dans le même ordre d'idée, sachez que plus vous déploierez d'unités du même type, plus les suivantes vous coûteront cher.
Stormrise propose huit types d'unités par camp : 3 types d'unités d'infanterie, des véhicules légers ou lourds (remplacés par d'immenses bestioles mutantes chez les Sai), quelques troupes spéciales telles les Sirènes, et des unités volantes, fragiles et coûteuses mais qui ont le mérite de vous offrir une vraie vue d'ensemble du champ de bataille. Toutes ces troupes disposent en outre de capacités spéciales qui permettent donc d'injecter un peu plus de diversité à l'ensemble. Les deux camps se différencient heureusement sur plusieurs points. L'Echelon aligne des troupes mécanisées, souvent plus coûteuses et résistantes que celles des Sai. Les humains « purs » semblent d'ailleurs privilégier les combats à distance. Les Sai de leur côté, sont plus fragiles mais peut-être plus mobiles. Ils favorisent davantage le corps-à-corps en alignant des troupes capables de mettre à mal n'importe quelle escouade s'ils parviennent à s'en approcher suffisamment. Bref, il y a de quoi participer à de belles batailles, pour peu que vous soyez capable de passer outre les nombreux problèmes de jouabilité, des problèmes qu'il sera tout de même nettement plus difficile de tolérer sur PC.
Et comme nous l'évoquions précédemment, c'est en multi que le jeu se révèle intéressant et véritablement stratégique. A vous de voir si vous tenterez d'écraser purement les troupes ennemies directement ou si au contraire, vous jouerez au vicieux en coupant la chaîne de production ennemie, avant de reconquérir progressivement les points d'énergie subitement déconnectés. Vous pourrez même customiser le chef de votre faction et lui octroyer de nouvelles armes et de nouvelles capacités avant la partie. Mais malgré ces excellentes perspectives, la jouabilité de Stormrise continuera de poser problème. Le jeu est intelligent, mais trop brouillon et n'a finalement pas grand-chose à faire ailleurs que sur consoles.
- Graphismes12/20
Plutôt solide, notamment lorsqu'il s'agit de représenter ses nombreuses unités combattantes, Stormrise reste un titre étonnamment terne et sombre. Les maps sont grandes et offrent logiquement un décor torturé, à base de bâtiments éventrés, de cavernes obscures et de canyons poussiéreux. Les teintes tapent toujours dans le gris, le beige et le noir. L'univers est donc très cohérent, mais pour le coup, il n'est pas particulièrement attirant, d'autant que le design général des unités n'est pas franchement très inspiré.
- Jouabilité9/20
A la base de Stormrise se trouvent deux excellentes idées qui s'avèrent finalement mal exploitées et mal adaptées au PC. Le Whip Control qui remplit correctement son office sur consoles mais alourdit l'action dès lors qu'on le manipule à la souris. La deuxième idée tient au concept de verticalité, avec des cartes bourrées de points d'observation et de recoins obscurs. Hélas, les gros problèmes de pathfinding et l'IA lacunaires des unités ne permettent pas d'exploiter correctement cette architecture.
- Durée de vie15/20
Selon votre faculté d'adaptation, votre courage et votre capacité à supporter les faiblesses du soft en termes de jouabilité, alors vous pouvez tabler sur 10 à 15 heures de jeu en solo. Vous profiterez en outre d'un mode Escarmouche sur 10 cartes issues de la campagne. Reste le multi, capable de supporter jusqu'à 8 joueurs en ligne.
- Bande son14/20
Des musiques technos dynamiques s'activent lorsque l'ennemi débarque dans le champ de vision de vos unités, pour un résultat convaincant, bien que peu inspiré. Le reste des bruitages est très correct, de même que les voix françaises.
- Scénario11/20
On attendait peut-être un petit peu plus de Stormrise de ce côté-là. Le soft ne fait finalement que nous offrir un récit guerrier sommaire mâtiné de quelques réflexions écologiques et dont la majorité des développements nous apparaissent rapidement.
On reste dubitatif devant ce pur produit consoles qui débarque aujourd'hui sur nos PC déjà gâtés en STR. Les très bonnes idées des développeurs ne portent pas sur ce support et le soft souffre de surcroît de problèmes difficilement acceptables : une IA passable, un pathfinding lacunaire et un système de contrôle lourdingue. Les utilisateurs de Vista y verront une coûteuse curiosité, mais guère plus.