Lancé sur la piste glissante de la construction chaotique du second épisode, ce troisième opus de la série de Monolith Soft commençait pourtant à faire naître de sérieux doutes. Décriés pour cet aspect précis, prenant la forme d'un équilibre étrange composé de 70 % de scènes cinématiques et de 30 % de phases de jeu classiques, les deux premiers Xenosaga s'étaient petit à petit éloignés du côté ludique pour rentrer dans une narration interactive. Un écueil qui a coupé ces deux opus de la majorité du public, mais qui a tout de même su convaincre un noyau d'amateurs, retenus par la richesse du scénario et ne cherchant pas forcément l'exploration à part entière. De fait, les premières heures de Xenosaga troisième du nom laisse planer ce spectre, vous autorisant un temps ludique très minime, perdu dans une mise en place des évènements parfois légèrement pesante. Pourtant, une fois lâché dans l'excitation de la découverte, vous oublierez totalement cette entrée en matière effrayante pour vous concentrer sur le désir passionné de l'enquête. En effet, reliant entre elles les diverses révélations énigmatiques qui vous sont offertes au compte-gouttes, vous n'aurez de cesse de tenter de percer à jour la réalité du destin dans lequel vous êtes enfermé. Un point essentiel à l'immersion qui se trouve ici sublimé par de nombreuses scènes scénarisées jubilatoires, ancrées dans la continuité du jeu de manière bien plus fine qu'auparavant. Le principal changement vient en réalité du fait que l'on sent désormais une espèce de cohésion générale se mettre en place. L'univers dépeint sonne infiniment plus juste et le souci de la construction d'une ambiance avant l'arrivée d'un événement joue grandement en faveur de l'attention du joueur.

Se rapprochant dorénavant à petits pas du mythique Xenogears, la série Xenosaga opère un véritable envol avec ce dernier opus. Laissant la part belle à une histoire incluse véritablement dans le gameplay, il apparaît fluide, riche et enfin "ouvert". En effet, vous ne ferez pas qu'aller d'un point A à un point B sans évènements ni rencontres, même s'il est dommage de ne pas profiter de davantage de petits "glissements". Il aurait été agréable, à l'instar de nombre de RPG, de pouvoir participer à des aventures plus légères en marge de celle principale. Un regret toutefois diminué par la force de la trame initiée par Takahashi répondant à toutes les questions laissées en suspens, un petit peu rapidement certes, mais avec une sorte d'exaltation. Les péripéties se succèdent et offrent un plaisir autant réflexif que visuel à chacune de leur apparition. Sans ébruiter trop de détails, sachez simplement que l'implication des Testaments dans cette course au pouvoir est maintenant totale et que chacune de leurs interventions est l'occasion d'admirer leur volonté inébranlable et leur charisme électrisant. D'autant que les réactions des divers protagonistes principaux découvrant l'identité de chacun de ces émissaires du mal, derrière leurs masques, sont des moments de satisfaction intense. Un sentiment qui passe également par l'animation des visages, affichant des émotions variées et "réalistes", rendant la majorité des personnages presque charnels et bien moins synthétiques qu'auparavant.

Toujours dans le registre du scénario, l'arrivée de l'androïde T-elos (qui peut se rapporter au "telos" grec, initié par Aristote, et qui peut se résumer par le passage à l'autodétermination) ajoute des rouages dramatiques plus profonds et impose une menace bien définie et effrayante. Une innovation sur le fond donc qui suit de près une refonte très agréable sur la forme. Le premier choc vient du travail graphique opéré sur le soft. Si Xenosaga 2 était parvenu à rehausser sans mal le niveau du premier opus, celui qui nous intéresse aujourd'hui est une véritable transformation. Bénéficiant d'un moteur graphique rappelant celui de Grandia 3, le titre de Namco laisse exploser des décors magnifiques, faisant partie des plus beaux aperçus sur PS2. Le niveau de détail surprend à chaque tableau et même si l'architecture des niveaux reste assez classique, c'est un plaisir sans cesse renouvelé d'évoluer dans de tels environnements. Alors que l'on avait l'habitude de considérer les diverses scènes de jeu comme de simples limites, Xenosaga 3 redonne l'envie de la contemplation paisible et de se laisser happer par l'ambiance. Une révolution artistique pour la saga qui va de pair avec une modélisation des personnages bien plus convaincante et surtout un design, que ce soit au niveau des mechas ou tout simplement des éléments de décoration, terriblement accrocheur et recherché. Ne désirant visiblement pas rester seule en course, l'amélioration visuelle a choisi comme partenaire la refonte du gameplay.

Reprenant en quelques sortes des petits morceaux disparates des systèmes de combats du premier et du second épisode, celui de Xenosaga 3 : Also Sprach Zarathustra revient à une simplicité de bon augure et à un équilibre enfin probant. Les phases d'affrontement se scindent en résumé en deux parties bien distinctes. Vous avez tout d'abord les rixes à pied et ensuite celles en E.S (mecha). Dans le premier cas, on retrouve avec bonheur le principe du boost en nettement amélioré. Désormais, vous n'êtes plus soumis à une pseudo chance mais devez gérer en tout point ce mécanisme. Dans les faits, à chaque fois que vous frappez un ennemi, votre jauge de boost augmente. Composée de trois barres, cette dernière vous laisse deux solutions une fois que vous avez accumulé assez d'énergie. Soit vous en utilisez une grande partie afin de gagner un tour comme à la belle époque, soit vous conservez au moins une barre pleine pour effectuer un coup spécial dévastateur. Bien sûr, si vos trois barres sont prêtes à l'emploi, vous pourrez obtenir trois tours supplémentaires. A vous de bien choisir votre stratégie tout en sachant que les ennemis bénéficient du même système et s'en servent parfois assez intelligemment. Découlant de cette évolution, les combats sont bien plus rapides et dynamiques et se terminent souvent en moins d'une minute sans chargement intermédiaire pesant. La sobriété au service de l'intérêt en quelque sorte. Dans le même temps, les duels d'E.S s'avèrent également très intéressants, dépendant eux davantage de votre équipement.

Disposant d'une sorte de jauge de fuel, ce qui rappelle fortement Xenogears, vos machines de guerre dépendent entièrement de cette donnée pour effectuer leurs attaques. Chaque assaut coûte en effet un certain nombre de points d'énergie qui ne doivent pas dépasser le total de votre "générateur". Trois types d'assaut sont à votre disposition, un basé sur les lasers, l'autre sur les munitions standards et le dernier sur les chocs directs. Il vous appartient alors de connaître les faiblesses de votre adversaire pour lui asséner un enchaînement de deux ou plusieurs de ces attaques. Mais attention à bien vérifier leur demande en EP. Par exemple, si votre maximum est de 450 et que vous souhaitez utiliser deux tirs à 290 EP, cela vous sera tout simplement refusé. En revanche en l'associant avec un coup à 130 par exemple, vous pourrez avoir recours à ces deux assauts dans le même tour. En plus de ce système très intuitif et vraiment agréable, vous aurez la possibilité de vous servir de l'Anima. Sous ce nom se cache le pouvoir de réveiller l'"âme" de votre mecha et de l'investir d'une puissance titanesque. Cet éveil vous permet de lancer une attaque spéciale très impressionnante et surtout de bénéficier d'une réduction du coût en EP de vos agressions. Vous avez alors le loisir d'enchaîner encore plus d'actions et, avec un peu de chance, de voir vos compagnons vous prêter main forte lors d'une combinaison, afin d'achever votre ennemi. Une fois quelques tours passés l'Anima s'éteint et il vous faudra aligner les coups pour remplir à nouveau la jauge lui correspondant. Encore un mécanisme de jeu très old-school, pratiquement similaire à celui d'un jeu de combat, mais qui a pour lui de procurer un plaisir immédiat, sans accrocs.

Car, pour être classique, Xenosaga 3 l'est assurément. Doté d'une progression dans les niveaux fondée sur la résolution de bonnes vieilles énigmes de l'époque 16 bits avec ce qu'il faut d'inventivité supplémentaire, le titre assume totalement cette filiation. Un parti pris qui lui convient parfaitement, laissant le joueur profiter pleinement de son aventure, retrouver cette envie de découverte, d'évasion, qui ne sera minée par aucun problème ludique. Il est de fait extrêmement plaisant de se reposer sur un schéma vraiment distrayant, qui ne nous trahira pas, pour profiter avec le plus de plaisir possible de la trame scénaristique. Une joie accompagnée d'une bande-son de très grande qualité, menée par une Yuki Kajiura (Noir, .hack//SIGN) visiblement plus que charmée par ce travail de composition. Cela faisait longtemps que cette musicienne ne nous avait pas gratifié d'une telle homogénéité et d'un tel brio dans une B.O. Servant on ne peut mieux l'ambiance mystique et relativement sombre de Xenosaga 3, elle prend une part très importante dans l'attachement du joueur à ce titre définitivement au sommet de la trilogie. Conservant tout de même quelques baisses d'intérêt et une tornade d'évènements un peu rapide, le titre de Monolith Soft attire et accroche sans cesse, repoussant toujours l'échéance d'une fin de partie. Un signe qui ne peut que laisser le plus grand espoir pour la suite de cette aventure rassurante. Dommage que ce troisième et dernier opus reste celui qui aurait permis le plus facilement d'entrer dans la saga. Le meilleur pour la fin comme on dit justement.