Se déroulant dans un Japon féodal en proie aux guerres uniquement motivées par un souci de richesse et de possession puérile, la trame de Shinobido vous place dès ses prémices dans une position particulièrement malaisée. Amnésique, victime d'un vol d'âme pour des raisons obscures que même vos anciens alliés semblent dissimuler, perdu dans les tentatives diverses des différents camps pour vous récupérer, il vous incombera de vous définir votre propre voie dans le but d'éclaircir ces zones d'ombres bien trop nombreuses. Un statut de héros maudit très agréable à incarner, notamment grâce au cynisme s'exhalant du principe de choix réel des missions à effectuer. En effet, dans le souci du Corbeau de récupérer ses souvenirs à n'importe quel prix, une seule loyauté deviendra valable, celle envers sa mission. Les hommes ne comptent pas, seulement ce qu'ils apportent. De fait il vous faudra jouer les traîtres à de nombreuses reprises, travaillant pour chaque faction en secret afin de récolter le maximum de renseignements concernant les pierres d'âme contenant le passé du héros. Attention toutefois à ne pas subir les foudres de ces manipulations politiques, notamment dans la montée en puissance de certaines maisons d'armes. Si vous vous échinez à aider le clan d'Ichigo par exemple, vous aurez bien du mal à le prendre par défaut ensuite si vous retournez votre veste, ce dernier ayant pris plus d'importance et développé de nouvelles armes. Néanmoins, vous aurez toujours l'avantage de la surprise et de votre maîtrise de la lame.

Reposant totalement sur le meurtre furtif, Shinobido vous demandera une parfaite compréhension des règles de base du ninjutsu pour espérer sortir avec les honneurs de chaque mission. Il vous faudra donc penser instinctivement à masquer vos méfaits en tuant les témoins et en dissimulant les corps, que ce soit en les plaçant derrière certains murs ou en les lançant dans les différents puits disséminés ça et là dans les niveaux. Faisant appel à une sorte de sadisme doublé d'un sentiment de puissance grisant, ces éliminations silencieuses restent bien entendu le point fort du gameplay et permettent de s'immerger dans le jeu avec une facilité déconcertante. Un constat qu'il est difficile de croire à la vue des myriades de bugs graphiques et des problèmes faisant visiblement partie de la marque de fabrique de Spike, mais qui existe bien réellement, atteignant même les limites posées par le premier Tenchu à son époque. En effet, plus rapide, dynamique et félin, le héros du soft édité par Acquire donne une autre dimension, plus spectaculaire au métier sombre d'assassin nocturne. Décidé à passer à la mode des courses sur les murs, notre ami le Corbeau se perche également bien plus aisément sur les basses corniches des maisons des villages, cloîtrées dans le forêt des hautes montagnes nipponnes. Autre leçon tirée d'une longue retraite méditative, vous aurez désormais l'honneur de pouvoir composer vous-même des raccourcis d'action en vous servant des touches L2 et R2, suivies de l'un des boutons caractéristiques de la manette PS2. Huit possibilités qui nécessiteront votre sens de la stratégie et de la préparation avant chaque bataille. A vous de choisir au mieux les fournitures dont vous aurez besoin au risque de découvrir le vrai sens du mot désarroi.

D'autant que ces phases nécessitent au préalable soit d'avoir acquis des objets par pigeon voyageur dans la ville du coin, soit d'avoir subtilisé des éléments sur les scènes de vos crimes. Présents en très grand nombre, ces derniers rempliront rapidement les cases de votre armoire personnelle, disposée dans votre habitation spartiate. Un principe de collection intéressant, notamment dans ses diverses possibilités de gestion. Vous pourrez facilement envoyer des objets dignes de regard à l'un de vos commanditaires afin d'acquérir sa confiance ou tout simplement vous en servir pour mettre au point des mélanges détonants, parfois au premier sens du terme. Bien plus riche que les différents opus de la saga Tenchu, Shinobido se présente comme un outsider de choix, certes miné par de lourds problèmes graphiques et parfois purement techniques, mais diablement efficace et original dans son approche du statut de ninja. Espérons simplement que les défauts cités soient quelque peu remaniés et vous pourrez enfin reprendre du plaisir à diriger un guerrier svelte et cruel dans des ruelles tout aussi ténébreuses. D'autant que vous aurez droit à l'éclatant retour de l'éditeur de niveaux, cruellement disparu avec Tenchu 2. Une nouvelle alléchante qui devrait pouvoir vous faire patienter jusqu'à la sortie du soft d'ici le mois de juin.