La plus grosse inquiétude qu'on pouvait avoir quant à Far Cry était de savoir si sous cette incroyable parure de screenshots superbes pouvait se cacher un vrai bon jeu ou si Crytek allait juste nous pondre une vitrine technologique pour vendre son moteur 3D (un peu comme, au hasard, Unreal 2 ou Chrome). Ben oui, on flippe toujours quand on voit débouler des trucs trop beaux. Et puis petit à petit, les doutes se sont estompés, et ont même fini par voler en éclat avec l'arrivée de la demo et des béta tests multijoueurs. Aujourd'hui, il est temps de se pencher plus avant sur la campagne solo, histoire de voir si effectivement, Far Cry a de quoi émoustiller aussi les joueurs asociaux.

La réponse est clairement oui. Vous êtes Jack Carver, un type qui s'est laissé entraîner sur un atoll du pacifique par une journaliste qui n'a rien trouvé de mieux à faire que de disparaître sitôt larguée. Logique, puisque l'atoll a été réquisitionné par un malade qui y entreprend des expériences louches avec ses copains mercenaires. Et voilà comment Jack se retrouve en pleine panade, avec, comme seul soutient, un certain Doyle avec qui il communique par palm interposé. Ceux qui ont pratiqué la démo solo ont déjà eu un aperçu de Far Cry, côté cour en tout cas. Des maps ouvertes simplement immenses (une par île), couvertes d'une végétation luxuriante, bordées de plages de sable fin et entourées d'une eau que même dans les pubs on n'en voit pas de la plus belle. Première bonne surprise ici, la liberté d'action. En dehors des obstacles liés au relief, on peut aller où on veut, et par la même, aborder les objectifs par une multitude de chemins plus ou moins sûrs. La liberté d'action, c'est pas la première fois qu'on l'éprouve, mais on l'avait rarement ressenti comme ça.

Au niveau du gameplay, Far Cry ne donne pas dans le genre gros bourrin, contrairement à ce qu'on pourrait croire de prime abord. Encore qu'il soit possible de foncer comme un boeuf, si on a de bons réflexes et pas avoir peur de se faire sauter dessus par une dizaine de type surarmés. Mais ce serait passer à côté des possibilités de cache-cache avec les ennemis. Rien de mieux que de se planquer dans les fougères pour aligner sournoisement les bad guys. Le végétation offre un environnement particulièrement propice à ce genre de jeu pervers. Les mercenaires ne se priveront d'ailleurs pas de le pratiquer. Avec une IA de très bonne qualité, ces derniers se comportent de manière plus que convaincante. Il se mettent en alerte au moindre bruit étrange avant de se détendre si rien ne se passe, vous cherchent, appellent des renforts et vous encerclent. Et bonheur : on échappe aux désagréments du genre "oeil de lynx" qui les feraient vous repérer derrière un arbre.

Mais il faut également parler du "long range gameplay". Celui offert par la taille des niveaux extérieurs et évidemment lié au snipe. Alors d'abord, le niveau de zoom est sidérant. Du jamais vu. Mais attention, les campeurs vont devoir changer leurs habitudes. Pas question de rester allongé pour aligner tout le monde sans prendre de risque. Si en multijoueur le tireur est trahi par le reflet du soleil dans sa lunette, cela vaut aussi en solo et si on ne bouge pas, on ne tarde pas à recevoir de la visite. Et n'oublions pas de citer l'usage des véhicules même si pour le moment, leur utilité en solo semble assez accessoire. Mais Far Cry a aussi son côté jardin, ou plutôt sa face sombre avec les intérieurs.

Et là, tout bascule en dehors de l'indispensable prudence. Si beaucoup connaissaient déjà les maps tropicales, voilà une partie moins connue du jeu. Vous voilà soudain dans une cave, ou dans une vieille usine ou encore un complexe scientifique fraîchement ravagé. Non seulement on change totalement de décors mais également d'ambiance pour passer à quelque chose qui rappelle, par certains côtés, l'angoisse d'un Alien Vs Predator (ou encore ce que promet d'être Doom 3). Dans ces lieux confinés on joue sur la claustrophobie, les lumières et les ombres (sublimes) et l'atmosphère écrasante soutenue par une ambiance sonore oppressante. L'occasion de faire la connaissance avec de nouveaux ennemis bien plus coriaces. D'abord des espèces de créatures mutantes qui furent peut-être humaines (en tout cas suffisamment évoluées pour se servir d'un MP5), agressives, puissantes, très rapides et qui en plus peuvent se rendre invisibles et ont la fâcheuse manie de se planquer dans les coins sombres. Quant aux mercenaires, ils cèdent la place à des commandos plus malins, mieux équipés et pourvus de gilet pare-balle en béton. L'expérience de jeu change du tout au tout, de la liberté d'errer dans une somptueuse jungle, on passe à une traversée linéaire mais très flippante de couloirs sombres.

Est-il besoin de dire que Far Cry est beau ? Qu'il est même le plus beau FPS qu'on ait vu. Dehors, on a droit à une jungle luxuriante et criante de vérité, bourrée de détails, une mer superbe dont les vaguelettes s'écrasent sur la plage en laissant des traces d'écume sur le sable. Quant aux intérieurs, ils nous donnent une leçon en matière de jeux de lumières et sont également l'occasion de se pencher sur la qualité des textures. Des entrailles d'un vieux cargo dont la rouille n'aura jamais été aussi bien rendue, à la dureté froide de la roche d'une grotte ou du métal fracassé d'un complexe scientifique, Far Cry est d'une beauté époustouflante. On peut vraiment se demander si on sera si bluffé que ça quand sortiront Doom 3 et HL². La seule inquiétude viendrait surtout de la machine capable de faire tourner tout ça. Une sérieuse optimisation serait plus que bienvenue. En 1024, avec des paramétrages allant du Medium au Hight, sur un PIV 3Ghz, 512 Mo Ram et une Radeon 9800 Pro 128 Mo, le jeu tourne bien, mais accuse des ratés et ne se montre pas toujours aussi fluide qu'on le voudrait sur un tel monstre. De plus, à chaque fin de mission, il y a un tel temps mort avant qu'il se passe à nouveau quelque chose à l'écran qu'on a le temps de se demander si le processeur a fondu, si la carte graphique a explosé, si les barrettes de RAM ont été éjectées sur Mars ou si le clignotement de la loupiotte rouge du disque dur n'est pas en train de dire en morse "achève moi, je t'en prie" ou "cesse de me torturer". En toute logique, tout ça devrait s'arranger, on voit mal un titre ne tourner que sur ce genre de machine. Voilà, il est temps de s'arrêter et de prendre son mal en patience jusqu'à la sortie de Far Cry en espérant qu'on n'ait pas de mauvaise surprise liées à un Outlook non patché. En matière de FPS, cette année 2004 s'annonce vraiment bien, très bien même.